Historique

Les murs, la rue

La rue Lhomond a été percée au XVème siècle, elle s’est appelée rue des Postes jusqu’en 1857. Les départements de chimie et physique ont été construits de 1927 à 1937 sur l’emplacement de la célèbre école préparatoire Sainte Geneviève (appelée aussi Ecole de la rue des Postes) tenue par les Jésuites de 1854 à 1914. Elle est actuellement à Versailles (Ginette). Cette dernière avait été elle-même édifiée sur l’emplacement d’anciens bâtiments monastiques détruits à la révolution dont le couvent des Eudistes (hospice, séminaire et hôtellerie ecclésiastique) installés au 24, en 1703.

Quelques dates :

  • 1794 Décret de création de l’ENS.
  • 1847 Après avoir changé plusieurs fois d’adresse, l’ENS se fixe au 45 rue d’Ulm dans un bâtiment neuf. Antoine Balard (1802-1876), le découvreur du brome, y installe alors le premier vrai laboratoire de chimie qui se situait dans l’aile nord à l’emplacement de l’actuel réfectoire et des cuisines.
  • 1937 Un nouveau bâtiment contigu est inauguré par Albert Lebrun le 13 mai 1937, il abrite alors les laboratoires de physique, chimie et biologie.
  • 1970 Agrandissement du laboratoire de chimie, suite au départ de la biologie dans son nouveau bâtiment, 46 rue d’Ulm.

Le Laboratoire de Chimie et ses directeurs

L’histoire de la recherche au laboratoire peut se présenter de façon chronologique en se repérant aux différents mandats des directeurs (anciennement nommés à vie, soit 20 ou 30 ans de l’histoire du département), ceux-ci ont toujours eu une forte influence sur la recherche qui y était menée.

    • 1808-1811 : Claude Louis Berthollet (1748-1822) : Médecin du duc d’Orléans, il se consacra vers 1780 à la chimie, adoptant totalement les idées de Lavoisier en 1785. En 1784-1785, il participa aux célèbres expériences de celui-ci sur la décomposition et la synthèse de l’eau et contribua, avec Guyton de Morveau, à la création de la nomenclature chimique (1787). En 1794, il est nommé, lors de leur création, professeur à l’École Normale et à l’École Polytechnique.

 

    • 1811-1822 : Pierre Louis Dulong (Rouen 1785 – X 1801 – Paris 1838) : Il est nommé, grâce à l’influence de Berthollet, répétiteur (puis maître de conférences) de physique-chimie à l’École normale. Il y prépare la première année le cours de chimie de Louis Jacques Thénard (1777-1857) et en octobre 1811 découvre le chlorure d’azote. Il est reconnu pour ses travaux sur la chaleur spécifique, la dilatation et l’indice de réfraction des gaz

 

    • 1826-1845 : Guérin

 

    • 1845-1851 : Antoine Balard (1802-1876) : Élu Membre de l’Académie des Sciences le 11 novembre 1844 (section de chimie). Antoine Balard a découvert le brome (aujourd’hui le dibrome) en 1825 à Montpellier. Il revient à Paris et est chargé en 1847 de l’installation dans les nouveaux locaux du 45 rue d’Ulm. Il aura comme préparateur Marcelin Berthelot (1827-1907).

 

    • Louis Pasteur (1822 – Ens 1843 – 1895) est nommé agrégé préparateur de chimie de 1846 à 1848, période pendant laquelle il effectue ses travaux sur les acides tartriques. Il part ensuite à Strasbourg et Lille puis revient à l’ENS en 1857 comme directeur des études scientifiques où il travaille alors sur la génération spontanée.

      Bouillons de culture et tartrates préparés par Louis Pasteur :

 

    • 1851-1881 : Henry Sainte Claire Deville (1818-1881) : Élu Membre de l’Académie des sciences le 25 novembre 1861 (section de minéralogie). Henry Sainte Claire Deville étudie le phénomène de dissociation thermique. Il prépare le bore et le silicium à l’état pur. En 1854, il réalise la première préparation industrielle de l’aluminium par réduction du chlorure double d’aluminium et de sodium par le sodium. On lui doit également l’invention du chalumeau oxhydrique qui lui permit de faire fondre le platine.

 

    • Laboratoire de Louis Pasteur à l’Ecole durant cette période (1857-1889) (données issues des archives de l’Institut Pasteur)
      • 1857 – L. Pasteur, nommé administrateur chargé de la direction des études à l’Ecole normale supérieure, rue d’Ulm, à Paris, ne trouvant aucun lieu où continuer ses recherches, installe à sa charge un laboratoire dans deux pièces placées sous les combles de l’école. Il y termine ses travaux sur les fermentations et commence l’étude des générations spontanées et des putréfactions.
      • 1858 – L. Pasteur obtient que les cinq places de préparateurs existantes, dévolues jusque-là à des fonctionnaires non agrégés, étrangers à l’Ecole, soient dorénavant réservées à des normaliens devenus agrégés.
      • 1860 – L. Pasteur installe un nouveau laboratoire dans une petite construction de l’Ecole, en bordure de la rue d’Ulm qui fait pendant à la loge du concierge : cinq pièces réparties en deux étages, jusque-là occupées par le service de l’architecture.
      • 1862 – L’administration de l’Ecole met à la disposition de L. Pasteur une pièce supplémentaire au rez-de-chaussée du laboratoire.
      • 1865 – Création officielle de la place d’agrégé préparateur pour la chimie physiologique, bien que depuis 1860, il y ait toujours eu un ancien élève de l’Ecole attaché comme préparateur au laboratoire de Pasteur.
      • 1867 – Création officielle d’un laboratoire de chimie physiologique à l’Ecole normale dont la direction est confiée à L. Pasteur, par ailleurs déchargé de ses fonctions d’administrateur.
      • 1867-1868 – Las du manque permanent de crédits de fonctionnement pour son laboratoire, L. Pasteur rédige un projet d’article destiné au Moniteur où il dénonce l’absence de budget pour la recherche et le manque de laboratoires. Napoléon III convoque alors plusieurs savants et hommes politiques dont L. Pasteur et charge ce groupe de préparer une réforme de l’enseignement scientifique.
      • 1868-1870 – Un crédit de 60.000 F. est dégagé par le gouvernement pour la construction d’un nouveau laboratoire de chimie physiologique à l’Ecole Normale.
      • 1885 (le 6 juillet) – J.-J. Grancher réalise, dans le laboratoire de Pasteur, la première inoculation antirabique humaine sur le jeune Joseph Meister.
      • 1889 – L. Pasteur quitte son appartement et son laboratoire de la rue d’Ulm pour s’installer rue Dutot, dans le nouvel institut.

 

    • Les collaborateurs de Louis Pasteur, au laboratoire de rue d’Ulm et à l’Institut Pasteur (on y trouve des chimistes, des biologistes et des médecins, images et informations issues des archives de l’Institut Pasteur et de l’archicubier) :
        • 1860-1862 – Jules Leonard Raulin (1836-ENS 1857-1896) (normalien, agrégé préparateur de chimie physiologique), doyen et professeur de chimie industrielle et agricole à la faculté de Lyon.

       

        • 1860-1864 – Désiré Gernez (1834-ENS 1855-1910) (normalien, agrégé préparateur de physique), membre de l’Academie des Sciences, professeur à l’Ecole Centrale

       

        • 1861-1864 – Philippe Van Tieghem (1839-ENS 1858-1914) (normalien, agrégé préparateur d’histoire naturelle), Secrétaire Perpétuel de l’Académie des Sciences, professeur au Muséum.

       

        • 1862-1871 – Eugène Marie Alexandre Maillot (1841-1889) (normalien, agrégé préparateur de chimie physiologique), directeur de la station séricicole de Montpellier.

       

        • 1863 – Eug. Viala (garçon de laboratoire).

       

        • 1871-1875 – Ulysse Gayon (1845-ENS 1867-1929) (normalien, agrégé préparateur de chimie physiologique), correspondant de l’Académie des Sciences, professeur de chimie de la faculté de Bordeaux. Il est connu comme étant à l’origine de la bouillie bordelaise, fongicide très utilisé pour le traitement de la vigne.

       

        • 1875-1879 – Charles Chamberland (1851-ENS (1870-1871) -1908) (normalien, agrégé préparateur de chimie physiologique), membre de l’Académie de Médecine, sous-directeur de l’Institut Pasteur, ancien député. Il met, en autres, au point des procédés de stérilisation : un autoclave et un filtre, conçu à partir d’une bougie de porcelaine poreuse, permettant d’éliminer les microbes de l’eau de boisson. L’instrument reçoit le nom de filtre Chamberland.

       

        • 1876-1878 – Jules Joubert (ENS 1857-110 (normalien, agrégé préparateur). Inspecteur Général

       

        • 1878-1888 – Emile Roux (1853-1933) (préparateur, puis à partir de 1883 directeur adjoint du laboratoire).

       

        • 1879-1880 – Léon Boutroux (ENS 1873-1923 (normalien, agrégé préparateur de chimie physiologique). Doyen de la faculté des sciences de Besançon

       

        • 1880-1884 – Louis Thuillier (1856-ENS 1877-1883) (normalien, agrégé préparateur de chimie physiologique).

       

        • 1880-1888 – Edmond Nocard (1850-1903) (professeur à l’Ecole vétérinaire d’Alfort, collabore aux travaux du laboratoire).

       

        • 1884-1889 – Léon Perdrix (1859-ENS 1881-1917) (normalien, agrégé préparateur de chimie physiologique), professeur de chimie à la faculté de Marseille. Il a eu un rôle important dans le développement de la faculté de Marseille en 1911-1914.  Paul Rivals (1864-ENS 1884-1939), normalien, collaborateur de Pasteur et Berthelot prend sa suite en 1918.

       

        • 1885-1888 – Etienne Wasserzug (1860-ENS 1882-1888) (normalien, agrégé préparateur), collaborateur de l’institut Pasteur, mort prématurément de la scarlatine.

       

       

        • 1888-1892 – Félix Le Dantec (1869-ENS 1885-1917) (normalien, agrégé préparateur), professeur de biologie générale à la Sorbonne.

       

        • 1891 – Henri Pottevin (1865-ENS 1888-1928) (normalien, agrégé préparateur), ancien sénateur, directeur de l’Office International d’Hygiène Publique.

       

        • 1892-1895 – Félix Mesnil (1868-ENS 1887-1938) (normalien, agrégé préparateur), membre de l’Académie des Sciences et de l’Académie de Médecine, directeur du laboratoire de chimie physiologique de l’Institut Pasteur.

       

        • 1893-1895 – Louis Marmier (ENS 1886-1944) (normalien, agrégé préparateur), directeur de l’Institut Pasteur de  Lille, docteur en médecine

       

      • Claude-Auguste Lamy (1820-ENS 1842-1878) co-découvreur du thallium avec Sir William Crookes. Claude Auguste Lamy, jurassien comme Pasteur, fréquente avec lui l’Ecole Normale. En 1862, à Lille, Claude Auguste Lamy identifie et isole 14 grammes de l’élément thallium dans les chambres de dépoussiérage des fours à pyrite grâce au spectroscope prêté par son beau-frère, le chimiste Jules Frédéric Kuhlmann. En 1865, Claude Auguste Lamy obtient la chaire de chimie industrielle à l’Ecole Centrale de Paris. Il continue ses recherches dans les laboratoires de Pasteur et est professeur de chimie à l’Ecole Normale.
      • Henry le Chatelier (1850-X 1869-1936) fréquente à cette période le laboratoire de Henry Sainte Claire Deville.

 

    • 1881-1888 – Henry Debray (1827 – ENS 1847 -1888), agrégé préparateur de Jérôme Balard en 1850. Sa thèse (soutenue en 1855) s’intitule ‘du glucium et de ses composés’  (le glucium est maintenant le beryllium). Élu Membre de l’Académie des Sciences le 26 février 1877 (section de chimie).

 

    • 1888-1897 – Alexandre Joly (1845 – Ens 1867 – 1897), minéralogiste, il poursuit les études des métaux de la mine du platine.
      La chimie organique a été introduite en 1891 par Robert Lespieau (ENS 1886, dont la thèse portait sur les épibromhydrines et les composés propargyliques) et Louis Simon (1867 – ENS 1925 – 1887, dont la thèse portait sur l’action des amines aromatiques primaires sur quelques composés cétoniques dissymétriques (16 novembre 1895)).

      Robert Lespiau
      Louis Simon
    • 1897-1904 – Désiré Guernez (ENS 1855) (-1910). Physicien et astronome de formation, il apprend la chimie minérale avec Saint Claire Deville, s’intéresse entre 1887 et 1895 à la modification du pouvoir rotatoire de sucres et autres composés naturels en présence de molybdates.

 

    • 1904-1934 – Robert Lespieau (ENS 1886) (1864-1947). Élève de Charles Friedel et de Charles Wurtz, il s’intéresse aux composés aliphatiques, à leur stéréochimie et se concentre sur l’étude des sucres. Il développe la chimie des acétyléniques et réalise dans les années 20, des synthèses de sucres à partir d’acétyléniques. Il marque la rupture avec la théorie des équivalents obstinément suivie par Sainte Claire Deville et ses successeurs et introduit la théorie atomique à l’ENS. Il renforce la chimie organique à Paris, qui au début du XXe siècle était peu développée.
      Charles Friedel (1832-1899) par Nadar
      Charles Wurtz (1817-1884)

      Dans le même temps, Paul Sabatier (1854 – ENS 1874 – 1941) et Victor Grignard (1871 – 1935) exerçant respectivement à Toulouse et Lyon, se partagent les honneurs du prix Nobel de chimie 1912.

      Paul Sabatier (1854-1941)
      Victor Grignard (1871-1935)

      Quelques-uns de ses élèves :

        • Henry Pariselle (1884 – Ens 1904 -1972) thèse « Etude d’un glycérine en C4 » 1911
        • Georges Dupont (1884 – Ens 1904 – 1958) thèse « Gamma alcools acétyléniques » 1912
        • Gustave Vavon (1884 – Ens 1905 – 1953) thèse « Réduction catalytique en présence de noir de platine » 1913. Elèves :
          • Alain Horeau (1909-1992). Elèves :
          • Jean-Marie Conia (1921-1995)
        • Maurice Bourguel (1893 – Ens 1913 – 1932) thèse « Carbures acétyléniques vrais » 1925
        • Charles Prévost (1899 – Ens 1918 – 1983)

       

      • Charles Maugin (1878-1958): lien 2
      • Daniel Chalonge (1895 – 1977)
      • Marcel Bouis
      • Jean Daujat ENS 1926
      • Marius Faillebin
      • Pierre Morelle
      • J Vyon
      • Rodolphe Garreau
      • Albert Kirrmann (1900 – ENS 1919 – 1974)  Recherches sur les aldéhydes alpha-bromées et quelques uns de leurs dérivés 1929
      • Joseph Wiemann (1915 – ENS 1926 – 1976 )

      Cette période correspond à un épanouissement de la chimie organique à l’ENS et plus particulièrement l’étude des composés naturels qui se poursuit depuis lors. Les bâtiments de la rue Lhomond ont été construits pendant cette période.

    • 1934-1954 – Georges Dupont (1884 – ENS 1904 – 1958). Il introduit la chimie des terpènes.

      Quelques-uns de ses  élèves:

    • 1955-1970 – Albert Kirrmann (1900 – ENS 1919 – 1974), sous directeur Jean Cantacuzene (1933-). Elèves :
      • Pierre Duhamel, (1931-) thèse en 1961  Professeur à l’université de Rouen.
    • 1970-1992 – Marc Julia (1922 – Ens 1940-2010), élu Membre de l’Académie des Sciences le 24 janvier 1977 (section de chimie).

 

    • 1992-1997 – André Rassat (1932 – Ens 1951 – 2005), élu Correspondant de l’Académie des Sciences le 24 janvier 1983 (section de Chimie).

 

  • 1997-2006 – Christian Amatore (1951 – Ens 1971), élu Membre de l’Académie des Sciences le 5 novembre 2002.
  • 2007-2013 – Ludovic Jullien
  • 2014-2021 – Anne Boutin
  • 2022 – Rodolphe Vuilleumier

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Bibliographie et Sources:

  • Connaissance du vieux Paris, J Hillairet, édition Princesse.
  • R Dulou et A Kirmann, « Le laboratoire de chimie de L’ENS », Bulletin de la société des amis de l’ENS, 54, 12, n° hors série septembre 1973.
  • Images et informations issues de : Laboratoire de Pasteur à l’ENS (site de l’Institut Pasteur)
  • Travaux des Maitres et des élèves, bibliothèque du département.
  • Archicubier, supplement historique 1990.
  • Images de isimabomba.free.fr
  • G Dupont, « Robert Lespieau 1864-1947″ Bull Soc Chim Fr 1949, 16, 1-9.
  • Faculté des sciences de Paris
  • Itinéraires de chimistes: 1857-2007, 150 ans de chimie en France avec les présidents de la SFC par Laurence Lestel

Rédaction : J-M Mallet